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Magie financière, la quête de la fortune

Magie financière, la quête de la fortune

AU SOMMAIRE...

 

1.  Or et offrandes, les origines sacrées de l’argent
2. Des dieux de la prospérité aux esprits de la richesse
3. Sortilèges et talismans pour attirer la prospérité
4. Rituels symboliques de prospérité à travers le monde
5. Magie et argent dans un monde calculé


La relation entre l’argent et le sacré est aussi ancienne que la monnaie elle-même. Depuis les premières pièces de métal jusqu’aux billets modernes, la quête de la prospérité a emprunté des voies subtiles. Ainsi, bien avant les théories économiques, nos ancêtres faisaient déjà intervenir dieux, esprits et rituels pour expliquer l’aisance ou la pénurie. Exploration du lien entre magie et argent.

1. Or et offrandes, les origines sacrées de l’argent

On le sait peu, mais les origines de la monnaie sont intimement liées au rituel et au sacré. Avant de servir aux échanges marchands, l’argent est né dans les temples et les cérémonies. Certaines théories avancent qu’à l’aube des civilisations, les pièces de monnaie auraient remplacé les offrandes alimentaires dans les rituels sacrificiels. En d’autres termes, payer en pièces était à l’origine un acte religieux, voire magique : on offrait symboliquement de la monnaie là où autrefois on partageait du pain ou du bétail en sacrifice. Dans ces banquets sacrés de l’Antiquité, participer au partage de la victime consacrée créait un lien de loyauté entre les membres de la communauté et scellait une alliance avec la divinité. L’apparition de monnaies de différentes valeurs a progressivement "laïcisé" ces échanges, mais à l’époque, un paiement gardait la trace de ce pacte spirituel originel, où l’échange économique prolongeait l’alliance entre les hommes et les dieux.

Dès lors, la monnaie porta en elle une double nature : bien concret facilitant les transactions, elle conservait aussi une aura symbolique héritée du sacré. Les premières pièces frappées en or et en argent – métaux précieux brillants comme le soleil ou la lune – avaient une valeur autant spirituelle qu’économique. L’or surtout, incorruptible et étincelant, fut vénéré dans de nombreuses cultures comme un métal divin. En Égypte ancienne, on le nommait « la chair des dieux » et on l’associait au soleil. Posséder de l’or, c’était détenir un fragment de pouvoir solaire, donc un peu de l’essence divine. Dès l’Antiquité, on voit se dessiner un lien ambigu : l’argent attire la dévotion autant que la convoitise. Les temples deviennent les premiers coffres-forts du monde, gardiens des trésors offerts aux dieux. En Mésopotamie, les offrandes aux dieux pouvaient être redistribuées par les prêtres sous forme de rations ou de précieuses pièces, brouillant la frontière entre économie et culte. L’argent circule alors dans un circuit enchanté : il transite entre les hommes et leurs dieux, matérialisant des bénédictions ou des vœux dans le tintement d’une pièce.

2. Des dieux de la prospérité aux esprits de la richesse

Si l’argent a des racines sacrées, il n’est pas surprenant que presque chaque culture ait personnifié la richesse sous les traits d’une divinité ou d’un esprit tutélaire. Contrairement à une liste aride de panthéons, imaginons plutôt un tour du monde spirituel où l’abondance est reine, portée par différentes figures qui, chacune à leur manière, illustrent le lien entre richesse et transcendance.

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Représentation de Lakshmi

En Inde, une douce lumière brille : c’est la déesse Lakshmi, assise sur une fleur de lotus, symbole de pureté et de fortune. Depuis des millénaires, les Hindous l’invoquent lors des fêtes, en particulier à Diwali, la fête des lumières, pour qu’elle accorde prospérité et bien-être à la maisonnée. Déesse de la richesse, de la beauté et de l’abondance, Lakshmi est honorée par des prières et des lampes allumées, ses images la montrant versant une pluie de pièces d’or depuis la paume de sa main ouverte. Cette vision maternelle de la richesse – la fortune qui nourrit et protège – se retrouve ailleurs sous d’autres noms : ainsi, dans la Chine ancienne et moderne, on vénère Caishen, le dieu de la prospérité, que l’on invoque tout particulièrement lors du Nouvel An lunaire. Dans chaque foyer chinois au nouvel an, on dépose son portrait ou sa statuette, on brûle de l’encens, on claque des pétards pour éloigner les esprits néfastes, et on distribue de petites enveloppes rouges remplies d’argent (les hóngbāo) en signe de chance pour l’année à venir. Ici, l’argent se teinte de rouge, couleur de la joie et talisman contre le malheur, et le billet devient messager de vœux bienveillants.

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Lampes en l'honneur de Caishen

Toujours en Asie mais dans un tout autre contexte, songeons aux temples shintō du Japon, où les fidèles jettent des pièces dans les troncs en bois et agitent une clochette pour attirer l’attention des kami, ces esprits tutélaires, priant pour la réussite aux affaires ou une bonne récolte de riz (synonyme de richesse). Ce geste rappelle une pratique répandue dans le monde entier : offrir une pièce aux eaux. Que ce soit un puits sacré celte, une source romaine ou une fontaine baroque, jeter de l’argent dans l’eau revient à nourrir l’esprit du lieu en échange d’un vœu. Il s’agit d’une adaptation tardive d’un rite païen très ancien : toute eau vive abrite une divinité qu’on peut amadouer par une offrande. Ainsi, le célèbre lancer de pièce dans la fontaine de Trevi à Rome perpétue un rituel antique où l’on sollicitait la bienveillance des dieux des eaux pour obtenir chance et protection. De nos jours, le touriste espère surtout revenir un jour à Rome, mais sans le savoir il répète un ancien geste d’offrande propitiatoire.

Plus à l’ouest, dans le monde gréco-romain, c’est la déesse Fortune (Tyché chez les Grecs, Fortuna chez les Romains) qui tenait la corne d’abondance. Capricieuse, parfois les yeux bandés, elle dispensait la prospérité selon son bon plaisir. Les Romains, tout pragmatiques qu’ils étaient, adressaient des prières à Fortuna pour la prospérité de la cité et des familles, tout en frappant sur leurs pièces l’effigie de cette même Fortune. Chez les Grecs, le dieu Ploutos personnifiait également la richesse, dépeint comme un enfant tenant une corne d’abondance, parfois aveugle pour symboliser l’injustice de la distribution des richesses. Là encore, la mythologie reconnaît en filigrane que l’argent a sa part de mystère : il vient et s’en va selon des lois qui dépassent l’entendement humain, quasi divines.

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Divinité Tyche tenant Ploutos dans ses bras. Source : Wikipédia

Plus au sud, les anciennes civilisations africaines n’étaient pas en reste pour intégrer l’argent à leur univers spirituel. En Afrique de l’Ouest, parmi les Yorùbá, l’esprit de la richesse s’appelle Ajé. Dans les mythes, Ajé est décrite comme une puissante Orisha (divinité) patronne du commerce et de la prospérité. Un chant traditionnel de louange, un oríkì, s’adresse à elle en ces termes : « Ajé, bienfaitrice qui pourvoit à tous les besoins humains… Tu as fait d’un serviteur un roi ». Vénérée à travers des offrandes de cauris – ces petits coquillages autrefois utilisés comme monnaie – Ajé illustre l’idée que la richesse élève et transforme : elle peut aussi bien grandir un humble qu’égarer un sage. Les cauris retrouvés par milliers dans les tombes ouest-africaines témoignent de l’importance rituelle de ces coquillages, trésors des mers investis d’un pouvoir d’abondance.

De l’Inde à la Chine, de la Grèce à l’Afrique, l’humanité a donc peuplé le royaume de l’argent d’innombrables êtres spirituels. Ces coutumes, loin d’être naïves, traduisaient une réalité sociale : la richesse était perçue comme le fruit d’un ordre cosmique, et non d’un simple hasard. Honorer les dieux de la fortune ou accomplir des rites pour attirer l’abondance revenait à s’accorder avec l’harmonie du monde, afin que celle-ci nous soit favorable. Mais outre les cultes établis, il existait aussi des pratiques plus secrètes pour influencer la fortune : c’est le domaine des sorts, talismans et autres magies financières opératives, où l’individu tente d’infléchir le destin monétaire par des moyens occultes.

3. Sortilèges et talismans pour attirer la prospérité

En fouillant les papyrus magiques de l’Égypte gréco-romaine ou les grimoires médiévaux, on découvre une foule de sorts et enchantements conçus pour attirer l’argent. Loin de n’être préoccupés que d’amour ou de malédictions, les magiciens de l’Antiquité pensaient aussi à garnir leur bourse ! Dans les célèbres Papyrus grecs magiques (datant des premiers siècles de notre ère), on trouve des recettes pour faire prospérer en affaires ou assurer le succès d’un commerce. Ces documents, mélange de prière et d’incantation, révèlent une approche étonnamment pragmatique de la magie : l’objectif n’est pas de voir tomber du ciel une pluie de pièces d’or, mais de créer les conditions propices à la réussite. Un exemple : un sort recommande de façonner une figurine de cire représentant un mendiant, à placer près de sa boutique ou de sa maison, afin d’attirer une clientèle nombreuse et généreuse. Le papyrus assure que « grâce à cette figurine, richesse et succès attendent celui qui la détient ». On est frappé de constater que le sortilège vise d’abord à augmenter le trafic de clients – une forme d’ancêtre de la publicité magique ! – plutôt qu’à faire apparaître directement l’argent par enchantement.

De même, un autre charme antique décrit la fabrication d’une bague talismanique pour conférer à son porteur l’aura qui attire les bonnes affaires. En gravant certaines formules et en consacrant la bague, le magicien obtenait un anneau qui rend son porteur « apprécié de tous, digne de confiance et plaisant, lui apportant des qualités menant à être célèbre, grand, admiré et riche ». Plus qu’un simple aimant à monnaie, cette magie cherchait à lier le capital social au capital financier : être riche, c’est aussi être introduit auprès des puissants, être aimé et respecté, et ces sorts l’avaient compris. Les textes magiques grecs font appel aux dieux pour « ouvrir les chemins » de la fortune, par exemple en liant des amitiés avec des personnes aisées ou en gagnant la faveur du public. Il s’agit donc d’une magie de l’opportunité : créer autour de soi un climat favorable où les bonnes occasions se présentent et où l’argent peut circuler.

Dans l’Europe médiévale et renaissance, où la quête de richesse se heurte parfois aux interdits religieux, la magie financière prend d’autres formes. L’alchimie en est l’expression la plus emblématique. Sous couvert de poursuite savante, des générations d’érudits ont cherché la Pierre Philosophale, cette substance miraculeuse capable de transmuter le plomb en or. Bien qu’ancrée dans une vision mystique du monde, l’alchimie reflète aussi une aspiration économique : trouver le secret de la production illimitée d’or, c’est-à-dire de richesse. Les alchimistes, comme Nicolas Flamel à Paris ou Basil Valentine en Germanie, décrivaient leurs expériences avec un vocabulaire spirituel. Pour eux, changer le plomb vil en or pur symbolisait aussi l’illumination de l’âme. La Pierre philosophale promettait non seulement l’or en quantité infinie, mais aussi la guérison de toutes les maladies et la prolongation de la vie. Cet idéal trahit la profonde ambivalence envers la richesse : est-elle un bien matériel à accumuler, ou le signe extérieur d’une perfection intérieure ? Dans le laboratoire de l’alchimiste, fourneaux et cornues deviennent le théâtre d’un double miracle – économique et spirituel.

Magie financière, la quête de la fortune

Tableau flamand du 17ème siècle dépeignant un alchimiste dans son atelier. Source : Britannica

Pour beaucoup d’alchimistes, il ne suffisait pas d’amasser de l’or : encore fallait-il en être digne. Cette exigence morale se retrouve, inversée, dans la sorcellerie populaire. Au Moyen Âge, l’Église condamne l’avarice comme un péché capital et voit d’un œil très méfiant toute tentative de gagner de l’argent par des moyens occultes. Faire de la « magie monétaire » en chrétienté était ainsi assimilé à pactiser avec le diable. C’est ainsi que naît la figure du Faust ou du sorcier avide qui vend son âme en échange de la richesse. Le motif du pacte démoniaque se répand dans les traditions européennes : selon la croyance, un individu désespéré pouvait signer un contrat avec Satan, troquant son salut éternel contre des faveurs terrestres – la jeunesse, le pouvoir, et bien sûr la fortune immédiate. Mais comme le rappelle la légende du Dr Faust, ces pactes se concluent rarement à l’avantage du mortel… Cette peur de la richesse mal acquise reflète l’idée que l’argent, s’il provient de sources occultes ou malhonnêtes, porte en lui une malédiction. L’histoire du roi Midas illustre bien cette morale ambivalente : pour avoir souhaité que tout ce qu’il touche se transforme en or, Midas est exaucé – et condamné à la famine et au désespoir, car même son pain et sa fille se changent en or massif. La « touche d’or » tant convoitée s’est révélée un châtiment. À travers ce mythe, les Anciens enseignaient déjà que la richesse magique, obtenue sans limites, peut tourner au piège funeste.

Ainsi, entre sortilèges bienveillants et récits d’avertissement, la magie financière de jadis oscillait entre rêve et crainte. D’un côté, l’espoir de trouver une formule, une amulette ou un pacte pour s’enrichir; de l’autre, la méfiance envers un argent venu trop aisément, possiblement entaché d’impuretés spirituelles. Cette dialectique traversera les siècles, s’exprimant différemment selon les époques – des rituels de prospérité villageois jusqu’aux philosophies modernes de l'abondance. Avant de conclure, arrêtons-nous un instant sur quelques rituels symboliques célèbres autour de l’argent, pour voir concrètement comment se manifestait cette magie financière dans la vie quotidienne.

4. Rituels symboliques de prospérité à travers le monde

Plusieurs coutumes visaient à attirer la chance financière ou à célébrer l’abondance. En voici quelques-unes, choisies pour leur portée historique et culturelle, qui illustrent la diversité de la symbolique de la richesse :

  • Jeter une pièce dans une source ou une fontaine – Un geste universel que l’on retrouve de l’Antiquité à nos jours. Cette pratique vient, comme on l’a vu, d’un ancien rite païen consistant à offrir une pièce aux esprits de l’eau en échange d’un vœu exaucé. Les puits de village en Europe avaient souvent leur « pièce porte-bonheur », et la Fontaine de Trevi à Rome perpétue cette tradition : on dit qu’une pièce jetée par-dessus l’épaule assurera au visiteur son retour futur à Rome. Au-delà du vœu touristique, l’acte est un mini-sacrifice aux puissances de l’eau pour qu’elles nous soient favorables, signe que l’argent peut servir de prière silencieuse lorsqu’il tombe dans l’onde.

  • Le rituel du Nouvel An chinois – Chaque année, lors du Festival du Printemps, les familles chinoises pratiquent des rituels pour attirer la chance et la prospérité. On décore les maisons de rouge et d’or, couleurs fastes, et l’on rend hommage au dieu de la Fortune, Caishen, notamment le jour de sa fête où l’on brûle des bâtons d’encens en son honneur. L’un des symboles les plus connus est l’échange des enveloppes rouges (hóngbāo), remises aux enfants et aux proches. Ces enveloppes remplies de quelques billets portent les vœux de richesse et de succès pour l’année à venir – leur couleur rouge est censée conjurer les mauvais esprits, et les caractères dorés qui y sont imprimés souhaitent bonheur (fu) et prospérité (cai). C’est un rituel où la dimension spirituelle (chasser le mal, invoquer la chance) se mêle à la générosité matérielle.

  • La prière à Lakshmi lors de Diwali (Inde) – Diwali, la fête des Lumières, est l’un des moments clés du calendrier hindou durant lequel on célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres et l’abondance sur le manque. Au cours de cette fête, on réalise la Lakshmi Puja, une cérémonie dédiée à la déesse de la richesse. Les familles allument des rangées de lampes à huile (diyas) pour éclairer le chemin de Lakshmi jusqu’à leur foyer. On dispose de belles offrandes (fleurs de lotus, sucreries, riz) devant ses images, et l’on récite des mantras pour attirer ses bénédictions de prospérité. Par tradition, on ouvre grand les portes et fenêtres ce soir-là pour que Lakshmi entre sans obstacle, symbole de l’accueil de l’abondance divine. Il est intéressant de noter que cette nuit-là, de nombreux commerces indiens font leurs comptes annuels en invoquant Lakshmi : la déesse préside littéralement à la clôture et l’ouverture des livres de comptes, unifiant rituellement la tenue des finances et le sacré.

  • Talisman et porte-bonheur d’argent en Europe – La magie européenne regorge de petits rituels de prospérité nés de la sagesse populaire. Il est de bon augure de conserver la première pièce gagnée dans un nouveau commerce ou son premier salaire, et de la garder toujours sur soi ou de l’exposer dans son bureau : cela assure que l’argent “reste” au lieu de filer. Dans certaines régions, on clouait une pièce au-dessus de la porte d’entrée pour attirer la fortune à la maison. Un autre porte-bonheur encore répandu est le fer à cheval que l’on accroche au-dessus de la cheminée ou de la porte. Bien qu’il soit surtout réputé pour chasser le mal, on dit aussi qu’un fer à cheval trouvé par hasard et fixé chez soi attire la chance en général – y compris la chance financière. Les anciens expliquaient que le fer, métal forgé par le feu, portait une énergie solaire et bénéfique ; sa forme en croissant rappelait la lune et symbolisait la fécondité. Clouer ce symbole chez soi revenait à inviter l’abondance sous son toit. De même, en France, la tradition de la galette des rois le jour de l’Épiphanie cache dans le gâteau une fève (autrefois un petit objet en porcelaine représentant un roi ou… un sac d’argent !). Celui qui la trouve devient “roi” d’un jour et est censé avoir de la chance – on retrouve là l’idée que dénicher un symbole de richesse dans sa part de gâteau est un présage favorable pour ses finances à venir.

Chaque culture a ainsi créé ses propres rituels, parfois modestes, parfois spectaculaires, pour se concilier la fortune. Qu’il s’agisse de jeter des pièces, de brûler des offrandes, de porter un symbole sur soi ou de célébrer une divinité, ces pratiques témoignent d’un constat universel : l’argent n’est pas qu’une affaire de calcul, c’est aussi une affaire de cœur et de croyance.

5. Magie et argent dans un monde calculé

En parcourant l’histoire de la magie financière, on réalise que l’argent a toujours été bien plus qu’un moyen d’échange ou un chiffre sur un compte. Il cristallise des espoirs, des angoisses et des aspirations profondément humaines. Dans les époques d’incertitude économique, les rituels de prospérité se multiplient, traduisant le besoin de reprendre pied grâce au symbolique lorsqu’on ne contrôle plus le réel. Inversement, lors de périodes fastes, on ritualise la gratitude : on remercie les dieux, on offre une part de ses gains en sacrifices ou en aumônes, perpétuant ainsi le cycle vertueux de l’abondance partagée.

Loin d’être un simple vestige du passé, cette imprégnation spirituelle de l’argent se poursuit de nos jours sous d’autres formes. Certes, la rationalité contemporaine a relégué dieux et esprits au rang de mythes pour beaucoup, mais les comportements quasi-rituels vis-à-vis de l’argent restent légion. Ne dit-on pas « toucher du bois » pour conserver sa chance aux jeux d’argent ? De Las Vegas à la bourse de New York, combien de traders portent leur cravate « porte-chance » les jours de grosse spéculation, reproduisant sans le savoir l’acte du talisman personnel ? Les loteries modernes, avec leurs tirages aux dates fétiches et leurs grilles jouées « parce que ce sont les chiffres de mon rêve », recréent une forme de magie populaire où le hasard est conjuré par le symbole.

Certaines mouvances religieuses actuelles, comme la théologie de la prospérité dans certains courants évangéliques, réconcilient ouvertement foi et richesse en prêchant que l’aisance financière est un signe de bénédiction divine – renouant ainsi, d’une autre manière, avec l’idée ancienne que la fortune sourit aux vertueux aimés de Dieu. Dans d’autres contextes, on observe le retour ou la réinvention de cultes de la richesse.


Ainsi, l’exploration du lien entre argent et spiritualité nous montre une constante : l’être humain, qu’il troque des coquillages, batte monnaie d’or ou spécule en bourse, cherche à domestiquer la fortune par le sens et le subtil. La magie financière exprime la part d’incertitude irréductible attachée à la richesse. Gagner sa vie n’est pas qu’une affaire d’effort et de raison, c’est aussi composer avec l’imprévisible, le destin, la chance – autant de forces que les sociétés ont personifiées et courtisées rituellement. À travers la magie financière, l’homme dialogue avec l’invisible pour conjurer la crainte du manque et inviter l’abondance. Sérieuse ou intéressée, cette démarche raconte en filigrane une histoire finalement très humaine : celle de notre quête d’une vie meilleure, où le bien-être matériel irait de pair avec l’harmonie.


Sources :

  • William H. Desmonde, Magic, Myth and Money: The Origin of Money in Religious Ritual (1962) – théorie des origines rituelles de la monnaie.

  • Venticinque, Philip. F., “Wealth, Profit, and Social Capital in the Greek Magical Papyri.” Greek, Roman, and Byzantine Studies 59 (2019) – étude sur les sorts d’abondance dans les papyrus magiques gréco-égyptiens.

  • Devdutt Pattanaik, “The ancient story of goddess Lakshmi—bestower of power, wealth and sovereignty.” Quartz India (2015) – récit mythologique autour de Lakshmi.

  • Times of India, “Laxmi Mantras you can chant on Diwali to attract wealth and happiness.” (2024) – description des invocations à Lakshmi pendant Diwali.

  • Wikipedia (en), “Caishen” – article sur le dieu chinois de la richesse, Caishen.

  • African Poems, “Salute to Aje, Goddess of Wealth” – traduction d’un poème yorùbá honorant l’Orisha Ajé, déesse de la richesse.

  • Romecabs Blog, “Tossing a Coin in Trevi Fountain: Myths and Rituals” – origine païenne du lancer de pièces dans les fontaines.

  • Google Arts & Culture, “8 Things to Know About the Lucky Red Envelope” – symbolique des enveloppes rouges du Nouvel An chinois.

  • Britannica (en), “King Midas” – résumé du mythe du roi Midas et de son touche-d’or funeste.

  • Britannica (en), “Philosopher’s stone” – article sur la Pierre philosophale et la transmutation des métaux en or.

  • Wikipedia (en), “Deal with the Devil” – motif du pacte avec le Diable pour obtenir richesses et pouvoirs.

  • The Taoist Online (Jack Mason), “Prosperity Magick Part 2: The Ancient Greeks” – analyse vulgarisée de la magie de la prospérité chez les Grecs, citant Venticinque.

Olivier d'Aeternum
Par Olivier d'Aeternum

Pagan encore en formation, je tâche de vous faire découvrir la richesse des pratiques, rituels, sabbats, esbats, déités et bien d'autres en les "vulgarisant" car je sais que ce n'est pas facile de bien faire ou même de savoir faire. J'espère que mes articles vous aideront à vous connecter encore mieux au monde spirituel. Je vous parle de la Wicca bien sûr, mais j'aborde aussi toutes les spiritualités comme les types de magies, le Vaudou, les magies religieuses et plus encore. Bon voyage !

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