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Aux origines, des miroirs sacrés dans l’Antiquité |
La catoptromancie, ou divination par les miroirs, désigne en fait l’art d’interpréter des visions obtenues à partir d’une surface réfléchissante. Du disque de bronze poli aux miroirs noirs des occultistes de la Renaissance, ce procédé fut utilisé à travers les âges pour tenter de lire l’inconnu. Pratiquée dès l’Antiquité gréco-romaine et reprise dans les grimoires médiévaux, la catoptromancie fascina rois et magiciens autant qu’elle suscita la méfiance des philosophes et des autorités religieuses. Explications.
Aux origines, des miroirs sacrés dans l’Antiquité
L’idée d’observer un reflet pour prédire l’avenir est très ancienne. Des auteurs de la Rome antique affirment que la pratique serait née en Mésopotamie ou en Perse – l’érudit Marcus Varron, cité par saint Augustin, rapportait déjà que cette méthode de divination venait de la Perse. Qu’il s’agisse d’une tradition orientale ou d’une découverte indépendante, la catoptromancie apparaît dès la Grèce classique dans le sillage des arts divinatoires. En Thessalie, une région réputée pour ses magiciennes, la légende veut que des sorcières écrivaient des formules en lettres de sang sur un miroir pour en consulter le reflet de la lune et en obtenir des oracles. Si cette histoire relève du mythe, d’autres témoignages antiques attestent formellement l’usage du miroir dans des rituels divinatoires.
L’un des récits les plus célèbres est rapporté par le voyageur Pausanias au 2ème siècle apr. J.-C. : dans la cité grecque de Patras, un oracle dédié à la déesse Déméter utilisait un miroir plongé à la surface d’une fontaine sacrée pour connaître l’issue d’une maladie. Le consultant attachait un petit miroir rond au bout d’une ficelle et le laissait affleurer l’eau du puits, après quoi des prières et des offrandes de parfum étaient faites à la déesse. En se penchant ensuite sur le miroir, on voyait apparaître le visage du malade tel qu’il serait dans l’au-delà – souriant si sa guérison était proche, ou livide s’il devait mourir. Selon Pausanias, cette fontaine oraculaire « ne trompait jamais », bien qu’elle ne servît qu’à ce type de consultation limitée. Dans le même esprit, la catoptromancie était considérée comme une branche de l’hydromancie (divination par l’eau) lorsque le miroir était utilisé conjointement à un bassin rempli d’eau, pratique courante dans le monde grec. Le principe restait de scruter un reflet – sur une surface solide ou liquide – pour y voir des images prophétiques.
Les auteurs latins confirment que la pratique était connue dans le monde romain. L’historien Ælius Spartianus, dans son Histoire Auguste, raconte que l’empereur Didius Julianus (qui régna brièvement en 193 apr. J.-C.) recourut à un miroir enchanté pour interroger le destin lors d’une guerre civile. Il fit préparer un enfant en bas âge par des incantations rituelles, les yeux bandés, et le plaça devant un miroir poli pour qu’il y voie une vision. L’enfant aurait alors aperçu dans ce miroir l’image de l’usurpateur Septime Sévère marchant sur Rome et prédit ainsi la chute imminente de Julianus. La scène dépeinte par Spartianus – un enfant-voyant en état de pureté, un miroir comme portail vers l’invisible – correspond parfaitement aux procédés magiques décrits dans les textes occultes postérieurs. De fait, on trouve chez l’écrivain Apulée (2ème siècle) le récit d’une expérience semblable menée en Asie Mineure : un jeune garçon, contemplant le reflet d’une statuette de Mercure dans l’eau, déclama cent vers prophétiques sur l’issue d’une guerre, après avoir eu une vision provoquée par un rituel magique. Ces exemples illustrent la diversité des formes antiques de catoptromancie. Elle pouvait impliquer un miroir de métal brillant, la surface d’une eau consacrée, ou même le fond lustré d’une coupe – les Grecs parlaient ainsi de gastromancie pour désigner la divination par le reflet dans un vase, et de lecanomancie lorsqu’il s’agissait d’un bassin rempli d’eau. Quelle que soit la méthode, la quête restait la même : entrevoir, dans le jeu des reflets, le visage voilé de l’avenir.
La magie des miroirs au Moyen Âge
Après l’Antiquité tardive, la catoptromancie ne disparut pas, bien au contraire. Les savoirs antiques de divination par miroir furent transmis et transformés dans les traités ésotériques de l’Orient et de l’Occident médiéval. Les clercs chrétiens, toutefois, regardaient ces pratiques avec hostilité. Déjà au 5ème siècle, saint Augustin et d’autres théologiens avaient intégré l’art des miroirs divinatoires à la liste des superstitions païennes à proscrire, le tenant pour une illusion démoniaque incompatible avec la foi. De même, Isidore de Séville au 7ème siècle classa la catoptromancie parmi les mancies illicites, renforçant l’idée que quiconque prétend lire le futur dans un miroir s’attire en réalité la complicité des démons. Ce verdict sans appel de la doctrine chrétienne relégua officiellement la catoptromancie du côté obscur de la magie. Mais en pratique, elle continua d’être exercée dans la clandestinité, au sein de cercles de magiciens et d’astrologues médiévaux qui voyaient dans le miroir un instrument privilégié pour la nigromancie – c’est-à-dire la magie cérémonielle faisant appel aux esprits.
Dès le 12ème siècle, on trouve des traces explicites de ces rituels secrets. Le savant anglais Jean de Salisbury, dans son Policraticus (1159), est l’un des premiers auteurs médiévaux à décrire et condamner la pratique des « spéculaires » (specularii en latin). Il explique que ces magiciens « divinent dans des objets polis et luisants – épées étincelantes, bassins, coupes et miroirs de toute espèce – pour répondre aux questions de gens curieux ». Il ajoute, non sans malice, avoir lui-même échappé de peu dans son enfance aux manipulations d’un prêtre versé dans cette magie des miroirs, en restant incapable de voir les apparitions fantomatiques que son compagnon croyait discerner dans un vase d’eau. Ce témoignage indique qu’au cœur du Moyen Âge la catoptromancie était suffisamment répandue pour être pratiquée par certains clercs peu scrupuleux, et au point que de jeunes élèves pouvaient y être initiés sous le manteau. Jean de Salisbury remercie ironiquement la Providence de l’avoir rendu « inutile » à ces expériences sacrilèges en le protégeant du pouvoir d’illusion des miroirs.
En effet, malgré l’interdit religieux, les recettes de divination par miroir circulaient dans des manuscrits de magie. Les historiens ont retrouvé dans des grimoires du 14ème et du 15ème siècle de nombreux experimenta – des petits rituels pratiques – pour interroger un miroir. Ces méthodes relevaient de la magie rituelle savante, mélange de prières chrétiennes et de conjurations occultes en latin ou en langues inconnues. La catoptromancie médiévale prenait la forme d’un cérémonial complexe : le mage traçait un cercle protecteur sur le sol, allumait des encens, récitait des psaumes et des formules, puis invoquait une entité afin qu’elle apparaisse dans le miroir. Il était courant de recourir à un enfant ou une jeune personne considérée comme pure pour servir de médium voyant : l’adulte prononçait les incantations, tandis que l’enfant fixait intensément le miroir en attente d’une vision. L’esprit convoqué pouvait être présenté comme un ange (pour donner une caution chrétienne au rituel) ou plus généralement comme un démon asservi par la magie. Ainsi, plusieurs grimoires latins tardifs décrivent la fabrication d’un petit miroir consacré, gravé de symboles, sur lequel un démon est conjuré à apparaître afin de répondre aux questions du maître opérateur. Parmi ces recettes figure le fameux « Miroir de Floron », du nom de l’entité invoquée : le miroir, enduit de substances et fumigé, devait révéler la silhouette d’un chevalier (manifestation du démon Floron) que l’on pouvait interroger sur le passé, le présent ou le lieu d’un trésor. Ce rituel, copié dans plusieurs manuscrits, a visiblement connu une diffusion importante à la fin du Moyen Âge.
Naturellement, l’Église réagit à ces survivances de la magie antique. Les tribunaux ecclésiastiques et civils engagèrent des poursuites contre les adeptes de la catoptromancie lorsqu’ils étaient découverts. Un cas célèbre est celui rapporté par l’inquisiteur Nicolas Eymerich, grand pourfendeur de sorcellerie au 14ème siècle : dans son Directorium Inquisitorum (vers 1376), Eymerich mentionne et condamne explicitement le rituel du Miroir de Floron, preuve qu’il avait eu à le réprimer au cours de sa carrière. De manière générale, les manuels d’inquisiteurs qualifiaient ces pratiques de pactes idolâtres avec le Diable. En 1398, l’Université de Paris (faculté de théologie) publia un décret formel contre la catoptromancie et les arts similaires : il y est déclaré qu’essayer « par arts magiques de contraindre les démons dans des pierres, des anneaux, des miroirs ou des images » constitue un acte d’idolâtrie odieuse. Cette même année 1398 à Paris, plusieurs mages soupçonnés d’avoir utilisé des miroirs ou des cristaux pour invoquer des esprits furent arrêtés et jugés.
Malgré la menace de telles sanctions, la fascination pour les « miroirs magiques » perdura à la fin du Moyen Âge, parfois encouragée par des mécènes puissants. Des princes et des seigneurs intrigués par l’occultisme n’hésitaient pas à consulter des devins, y compris par le truchement des miroirs. Gervais de Tilbury, un auteur du début du 13ème siècle, note dans son Otia Imperialia que les nécromanciens de son temps se vantaient de pouvoir faire apparaître des visions dans un glaive ou un miroir pour épater leur public. Ces pratiques restaient toutefois marginales et secrètes, confinées aux ateliers des magiciens. À l’aube de la Renaissance, la catoptromancie avait déjà derrière elle une longue histoire de clandestinité sous le signe de la transgression religieuse.
L’essor des miroirs magiques à la Renaissance
La Renaissance marque un tournant ambivalent pour la catoptromancie : d’un côté, la tradition médiévale de la divination magique se poursuit, parfois protégée par de grands personnages cultivés ; de l’autre, l’étude naissante des sciences optiques et l’esprit humaniste apportent un regard plus critique et ingénieux sur ces phénomènes. Les miroirs n’en continuent pas moins de hanter l’imaginaire des astrologues, des occultistes et même des souverains du 16ème siècle.
En France, la reine Catherine de Médicis illustre bien cette ambiguïté. Protectrice des arts divinatoires, Catherine s’entourait d’astrologues et de voyants pour guider ses décisions. D’après les chroniques, elle expérimenta elle-même la catoptromancie. En l’an 1559, au château de Chaumont-sur-Loire, son astrologue italien Cosimo Ruggieri aurait pratiqué une séance de miroir prophétique devant elle et sa cour. Le rituel se déroula de nuit, dans une pièce obscure éclairée à la lueur des chandelles. Sur ordre de Ruggieri, un miroir fut placé au centre, et la reine mère y vit apparaître successivement les silhouettes fantomatiques de ses fils tournant sur eux-mêmes. Chacun des princes effectua dans le miroir autant de rotations qu’il devait passer d’années sur le trône de France : François II ne fit qu’un seul tour (il est en effet mort après un an de règne), Charles IX en fit quatorze, Henri III quinze, et le jeune prince de Navarre – le futur Henri IV – en accomplit vingt et un. Cette vision spectaculaire équivalait à prédire la durée des règnes à venir. La légende précise que Catherine, effrayée par l’apparition de ce dernier qui surpassait tous les autres, y aurait vu le présage qu’un jour la dynastie des Valois s’éteindrait au profit du Béarnais. Si l’on en croit le mémorialiste Pierre de Brantôme, cette démonstration de catoptromancie aurait en réalité été réalisée par Nostradamus, autre conseiller occulte de Catherine. Quoi qu’il en soit, la scène témoigne de la place que conservait l’antique miroir divinatoire au cœur même de la Renaissance, y compris dans l’entourage des puissants.
La cour d’Angleterre n’était pas en reste. À la même époque, la reine Élisabeth 1ère comptait parmi ses familiers le savant John Dee, mathématicien de renom mais aussi fervent adepte des sciences occultes. John Dee pratiquait régulièrement la « vision cristalline », variante de la catoptromancie utilisant surfaces réfléchissantes ou cristaux. En novembre 1582, selon son journal, Dee vit apparaître l’archange Uriel à la fenêtre de son laboratoire ; l’entité angélique lui remit un miroir noir poli, de la taille d’une petite assiette, en lui indiquant que s’il le fixait intensément il pourrait y voir et entendre des créatures célestes prêtes à dévoiler les secrets du futur. Cet objet – un disque d’obsidienne parfaitement lisse d’origine aztèque – devint l’outil principal des fameuses conférences angéliques de John Dee. Pendant plusieurs années, le mage et son médium Edward Kelley s’assirent devant ce miroir d’obsidienne (qu’ils appelaient speculum) pour invoquer des anges et noter scrupuleusement les messages qu’ils voyaient et entendaient à travers lui. Le miroir noir de Dee, chargé d’une aura surnaturelle, existe toujours : il est aujourd’hui exposé au British Museum de Londres, où l’on peut voir son cercle de pierre sombre dans lequel tant de visions furent cherchées.

Miroir de Dee. Source
Outre ces figures illustres, de nombreux érudits de la Renaissance s’intéressèrent aux miroirs magiques, soit pour en percer le secret, soit pour en reproduire les effets à des fins de spectacle ou d’étude. Le médecin et philosophe français Jean Fernel rapporte avoir été témoin d’une expérience étonnante : un conjurateur parvenait à faire apparaître dans un miroir des figures animées, comme des personnages miniatures, qui exécutaient les mouvements qu’il commandait à voix haute. Fernel précise que les gestes de ces apparitions étaient si expressifs et nets que tous les spectateurs présents distinguaient clairement la scène dans le miroir. L’assistance pouvait ainsi suivre un véritable tableau vivant sorti du miroir. Ce témoignage, consigné dans De abditis rerum causis (1560), montre que la catoptromancie ne relevait pas que de l’illusion subjective : elle pouvait donner lieu à des démonstrations publiques tangibles, du moins quand le procédé était maîtrisé par un opérateur expérimenté.
Par ailleurs, l’étude systématique des miroirs et de l’optique, caractéristique de la Renaissance scientifique, éclaira d’un jour nouveau ces « merveilles » pour les esprits curieux. Dès 1584, l’Italien Giambattista della Porta, savant napolitain passionné de physique naturelle, publia son traité Magia naturalis où il dévoile comment créer des illusions d’optique avec des miroirs dissimulés. Porta y explique par exemple comment disposer plusieurs miroirs pour faire voir à un observateur une scène fantastique flottant dans les airs, ou comment un miroir partiellement transparent peut superposer une image sur la réalité. Ces techniques d’illusion, utilisées plus tard par les prestidigitateurs, montrent que certains phénomènes de catoptromancie pouvaient en fait reposer sur des effets optiques habilement conçus plutôt que sur une authentique intervention surnaturelle. L’engouement pour les automates, les anamorphoses et les jeux de miroirs au 17ème siècle s’inscrit dans ce prolongement : le miroir magique quittait progressivement le domaine exclusif de la magie pour entrer dans celui, naissant, de la science expérimentale et du spectacle.
Condamnations, débats et survie de la pratique
Si la Renaissance vit un renouveau d’intérêt pour la catoptromancie, elle vit aussi la poursuite de sa criminalisation par l’Église et les États. Les manuels de démonologie des 16ème–17ème siècles – tels que ceux de Jean Bodin (1580) ou de Martin Delrio (1599) – répertorient la divination par les miroirs parmi les ruses ordinaires du Diable pour égarer les âmes crédules. De nombreux procès en sorcellerie évoquent des miroirs saisis comme instruments compromettants. Un document frappant est rapporté par l’érudit Alfred Maury : vers le début du 17ème siècle, l’Inquisition espagnole arrêta à Valladolid un homme accusé de magie, chez qui fut trouvé un étrange miroir concave couvert de symboles. D’après une note rédigée en 1699 par la famille ayant hérité de l’objet, le magicien recouvrait le dos gravé du miroir avec une toile, puis exposait la face lisse devant un vase rempli d’eau préparée rituellement. Dans la pénombre de sa chambre, en orientant le miroir de façon que le soleil se reflète sur l’eau, il parvenait à faire apparaître à la surface du liquide l’image du démon qu’il évoquait. De nombreux témoins oculaires ayant affirmé avoir vu ces apparitions, le tribunal ecclésiastique condamna le sorcier à la prison à vie pour pratiques démoniaques. On l’accusa même d’utiliser le miroir pour montrer la silhouette d’une personne cible à un enfant médium afin de lui jeter un maléfice – charge plus grave encore, mais qui ne put être formellement prouvée lors du procès. Au fil du 16ème siècle, plusieurs astrologues et nécromanciens furent ainsi arrêtés, en France comme ailleurs, pour avoir tenté de prédire l’avenir ou d’agir par sortilège à l’aide de miroirs.
Face à la répression et à la diffusion du rationalisme, la catoptromancie entama un lent déclin dans la haute société occidentale. Aux 17ème et 18ème siècles, l’idée de voir l’avenir dans un miroir passa du registre du savoir occulte confidentiel à celui de la superstition populaire. Les intellectuels des Lumières ne manquèrent pas de tourner en dérision ces « miroirs enchantés » des siècles passés, y voyant l’œuvre de charlatans abusant de l’imagination du spectateur. En 1584 déjà, l’Anglais Reginald Scot, dans The Discoverie of Witchcraft, avait divulgué certains trucs utilisés par les prétendus devins pour tromper le public, contribuant à démystifier leurs artifices. Plus tard, au 19ème siècle, des psychologues comme Pierre Janet analysèrent les visions de catoptromancie comme des projections de l’inconscient, des hallucinations auto-induites par la suggestion et l’atmosphère du rituel. Entre la lumière crue de la raison et la menace des bûchers, le vieux miroir divinatoire perdit ainsi son prestige d’antan dans l’Occident modernisé.
Pourtant, l’histoire de la catoptromancie ne s’achève pas totalement avec la fin de la Renaissance. La pratique a perduré de manière souterraine dans les campagnes et les traditions ésotériques. Dans certaines régions du monde, notamment au Moyen-Orient et en Afrique, le miroir magique est resté un outil de divination populaire jusqu’à l’époque contemporaine. Des ethnologues ont observé au 19ème siècle des devins orientaux qui, après de longs jeûnes et des fumigations purificatrices, prétendaient faire apparaître des anges dans un miroir parfumé, toujours en faisant regarder un enfant ou une jeune vierge pour obtenir la vision oraculaire. De nos jours encore, dans certaines communautés d’Afrique subsaharienne, on rapporte que des guérisseurs utilisent des fragments de miroir ou des bassines d’eau réfléchissante pour identifier l’origine d’un mal ou pour retrouver des objets volés.
Ainsi, de l’antique temple de Patras aux cabinets des mages de la Renaissance, la catoptromancie s’est inscrite dans une longue histoire faite à la fois de ferveur et de suspicion. Art divinatoire ancestral, elle a été pratiquée sous des formes variées par des peuples et des cultures qui y voyaient un moyen de lever le voile sur l’inconnu – qu’il s’agisse de sonder la volonté des dieux, de communiquer avec des esprits ou simplement de connaître le destin.
Sources :
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Armand Delatte, La catoptromancie grecque et ses dérivés, Liège-Paris, 1932 – Étude exhaustive des sources antiques et byzantines sur la divination par le miroir.
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Jean de Salisbury, Policraticus (1159), livre I, chap. 12 – Première mention médiévale détaillée des specularii, avec anecdote autobiographique (édition Keats-Rohan, Turnhout, 1993).
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Julien Véronèse, « La magie divinatoire à la fin du Moyen Âge », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, nº 21, 2011 – Synthèse universitaire sur les rituels de divination (miroirs, ongles, cristaux) dans les manuscrits des XIV^e–XV^e siècles.
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Nicolas Eymerich, Directorium Inquisitorum (vers 1376) – Manuel de l’inquisiteur aragonais condamnant notamment le rituel du Speculum Floronis (miroir de Floron).
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Alfred Maury, « Sur un miroir magique du XVe ou XVIe siècle », Revue archéologique, 2^e année, 1846, p. 154-170 – Analyse d’un miroir saisi par l’Inquisition espagnole, avec parallèles dans les textes antiques (Varro, Pausanias, Spartianus, etc.).
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Giambattista della Porta, Magia naturalis (édition de 1584) – Traité de sciences naturelles contenant des explications d’illusions par miroirs truqués, témoin du regard scientifique naissant sur la catoptromancie.
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Richard Kieckhefer, Forbidden Rites: A Necromancer’s Manual of the Fifteenth Century, Penn State Press, 1997 – Étude et traduction partielle d’un manuscrit de magie (Munich, XVe s.) incluant des opérations de catoptromancie, et plus largement panorama de la nécromancie médiévale.