Alex Sanders est une figure tellement incontournable de l’histoire moderne de la Wicca qu'il a été surnommé le "Roi des Sorciers". Fondateur de la tradition Alexandrienne dans les années 1960, il a façonné cette voie en y intégrant des éléments de magie cérémonielle et en la rendant accessible à un public plus large. Son influence, tant par ses pratiques que par sa présence médiatique, a marqué un tournant pour la Wicca, la propulsant au-devant de la scène spirituelle et ésotérique de l’époque. Portrait.
1. La jeunesse d'Orrell Alexander Carter
Alex Sanders, né Orrell Alexander Carter le 6 juin 1926 à Birkenhead, Angleterre, est l'aîné d'une fratrie de six enfants. Sa famille, issue d'un milieu modeste, a été profondément marquée par des pratiques spirituelles et occultes dès son plus jeune âge. La mère de Sanders, Hannah Jane Bibby, et sa grand-mère jouaient un rôle crucial dans l'initiation de Sanders aux arts ésotériques. Sa grand-mère, en particulier, est souvent mentionnée dans les récits sur ses débuts dans la magie, bien que certaines de ces histoires aient été plus tard remises en question.
Durant son enfance à Manchester, il était courant que des phénomènes paranormaux se produisent dans leur foyer, ce qui l'a sensibilisé très tôt aux expériences occultes. En plus de l'influence familiale, Sanders a manifesté un vif intérêt pour les pratiques spirituelles et a même travaillé un temps en tant que guérisseur dans des églises spiritualistes sous le pseudonyme de Paul Dallas. Ce contexte a contribué à développer ses aptitudes psychiques et son attrait pour les arts magiques, le préparant ainsi à sa future carrière dans la Wicca et à la fondation de la tradition Alexandrienne dans les années 1960.
2. Un descendant d'une famille de sorcières ?
Les récits concernant l'initiation d'Alex Sanders à la sorcellerie sont variés et parfois contradictoires, même dans ses propres témoignages. Dans l'une des versions, il affirme avoir été initié à l'âge de sept ans par sa grand-mère galloise, Mary Bibby, une sorcière supposément issue de la lignée d'Owain Glyndŵr. Cette initiation aurait inclus la permission de copier son Livre des ombres à l'âge de neuf ans et l'apprentissage des rituels et de la magie, ainsi que des techniques de divination utilisant l'eau noire et les cristaux. Sanders a également mentionné qu'après le Blitz, peu avant le décès de sa grand-mère à 74 ans, elle lui aurait transmis les initiations des deuxième et troisième degrés, comprenant des pratiques rituelles particulières impliquant des unions sacrées.
3. Magie noire, argent et sexe
Après la guerre, Sanders enchaîna plusieurs emplois modestes et eut des relations avec des hommes et des femmes, utilisant selon ses dires la magie noire pour attirer richesse et succès amoureux. Cependant, lorsque l'une de ses maîtresses se suicida et que sa sœur Joan fut accidentellement blessée par balle avant d'être diagnostiquée d'un cancer en phase terminale, il se sentit responsable de ces tragédies. Cette prise de conscience le poussa à renoncer à l'usage égoïste de la magie et à s'engager dans l'enseignement de celle-ci, délaissant ainsi la voie de la magie noire.
4. La (courte) rencontre avec Crowther
Dans les années 1960, Alex Sanders découvre la Wicca et entre en contact avec des figures influentes telles que Patricia Crowther, une importante prêtresse gardnérienne. Cependant, sa relation avec elle est tendue : Crowther refuse de l'initier, le jugeant trop enclin à la publicité et au sensationnalisme. En dépit de ce rejet, Sanders persévère et parvient à attirer l'attention du public sur la Wicca en 1962 grâce à un article en première page du Manchester Evening News, révélant des rituels réservés aux initiés. Cet acte provoque l'irritation de nombreux praticiens qui l'accusent de compromettre la discrétion de la tradition.
Malgré ces débuts controversés, Sanders est initié en 1962 par Pat Kopinski, une initiée du coven de Crowther. Cette initiation lui permet de commencer à former ses propres groupes et à diffuser ses enseignements. Il copie le Livre des Ombres de son initiatrice, une pratique courante à l'époque. Rapidement, Sanders forme un réseau de covens à Manchester, consolidant son influence et attirant un nombre croissant de personnes séduites par son charisme et sa pratique combinant magie cérémonielle et rituels wiccans.
Dès 1965, Sanders affirme avoir initié plus de 1 600 personnes et fondé plus de 100 covens, se faisant appeler "le Roi des Sorciers". Ce titre et ses pratiques suscitent autant l'admiration que la critique, mais contribuent à asseoir sa réputation dans le paysage néo-païen du Royaume-Uni et au-delà, tout en posant les bases de la tradition Alexandrienne, un courant distinct qui intègre des éléments de magie cérémonielle à la structure gardnérienne.
5. Une famille entre rupture et continuité
Dans les années 1960, Alex Sanders rencontre Maxine Morris, une jeune femme catholique de vingt ans sa cadette, qu'il initie aux pratiques de la sorcellerie et élève au rang de grande prêtresse. En 1965, ils célèbrent un mariage de sorciers, selon la coutume du handfasting, et en 1968, ils officialisent leur union par un mariage civil. Le couple s'installe dans un appartement en sous-sol dans l'ouest de Londres, où ils dirigent leur coven et dispensent des cours de sorcellerie. Leur fille, Maya, naît en 1968. En 1971, Alex et Maxine se séparent, les tensions liées à la bisexualité de Sanders rendant toute entente impossible. Malgré cette séparation, leur relation continue de manière sporadique et un fils, Victor, naît en 1972. Jusqu'à la mort de Sanders en 1988, leur lien oscille entre périodes d'intimité et de distance. Après leur séparation, Sanders déménage dans le Sussex, tandis que Maxine reste à Londres, où elle poursuit la direction du coven et l'enseignement de la sorcellerie.
6. La fondation de la tradition Alexandrienne
La tradition Alexandrienne a donc été fondée dans les années 1960 par Alex Sanders et son épouse Maxine. Inspirée de la Wicca gardnérienne, la tradition Alexandrienne se distingue par l'incorporation de la magie cérémonielle et de la Kabbale, ajoutant une dimension plus complexe et ésotérique aux pratiques wiccanes, la rapprochant de la Haute Magie. Les rituels y sont souvent plus élaborés, et l'approche met un accent marqué sur la formation hiérarchique des initiés, incluant un système de trois degrés par lequel les membres progressent jusqu'à devenir Grand Prêtre ou Grande Prêtresse.
Maxine Sanders a joué un rôle clé dans l'évolution de cette tradition. En tant que Grande Prêtresse, elle a non seulement collaboré avec Alex pour développer les rituels et enseigner aux nouveaux membres, mais elle a également contribué à populariser la Wicca à travers des apparitions médiatiques et des cours. Ensemble, le couple a attiré de nombreux adeptes et formé plusieurs covens à travers le Royaume-Uni.
La Wicca Alexandrienne est particulièrement connue pour sa structure organisée et sa vénération équilibrée des aspects divins du Dieu et de la Déesse. Les réunions de covens se tiennent généralement lors des pleines lunes, des nouvelles lunes, et durant les huit Sabbats. Également, le respect de chacun.e était plus mise en avant, où la nudité rituelle n'était par exemple pas obligatoire.
7. Une vie entre prétendus miracles et sensationnalisme
Malgré cela, la vie d'Alex Sanders est jalonné d'un certains nombres de miracles et d'exploits magiques, en apparence. Mais son goût pour la célébrité aura surtout laissé comme héritage des scandales et, malheureusement, des mensonges.
Parmi les exploits magiques attribués à Alex Sanders figure la création d'un « bébé spirituel » nommé Michael, issue d'un "acte rituel de masturbation" considéré sacré impliquant lui-même et un assistant masculin. Michael aurait ensuite été l'un des familiers de Sanders, prenant parfois le contrôle de son corps lors de séances de canalisation. Pendant ces moments, son comportement devenait exubérant, participant à des fêtes déchaînées, insultant les participants et adoptant un comportement plus qu'excessif. Un autre familier qu'il canalisait régulièrement était appelé Nick Demdike, qui affirmait avoir été persécuté comme sorcier lors des célèbres procès des sorcières de Pendle au 17ème siècle.
Une autre des pratiques favorites de Sanders consistait à organiser un rituel sur le site d'Alderley Edge, un lieu réputé pour sa magie. Il y simula la résurrection d'un homme : une figure enveloppée de bandelettes était placée sur un autel de pierre, et un collègue de Sanders, se faisant passer pour médecin, confirma qu'il s'agissait d'un cadavre. Sanders entama alors une invocation « ancienne et étrange », qui s'avéra par la suite être... une simple recette de pain récitée à l'envers. Bien que cette histoire puisse paraître invraisemblable aujourd'hui, elle fut relayée par les journaux, renforçant ainsi la renommée de Sanders et sa réputation de figure ésotérique provocante.
Source : Alexandrian Witchcraft
Mais ce qui a propulsé Alex Sanders à la notoriété nationale fut un article de journal sensationnel publié en 1969. Cet intérêt médiatique a rapidement mené à la publication d'une biographie romancée intitulée King of the Witches par June Johns la même année, suivie du film Legend of the Witches en 1970. Ces œuvres ont permis à Sanders de bénéficier d'une plus grande visibilité, entraînant des apparitions sur des plateaux de talk-shows et des conférences publiques. Cependant, ces démarches ont suscité des critiques, beaucoup l'accusant de commercialiser son art et de le rendre trop accessible à la presse à sensation, ce qui, selon eux, dénaturait la véritable essence de la sorcellerie.
8. L'héritage d'Alex Sanders
Alex Sanders est décédé le 30 avril 1988 dans le Sussex, des suites d'un cancer du poumon. Malgré sa mort, sa figure a continué à alimenter des débats et des controverses. Dans un message enregistré, il a affirmé que son fils, Victor, qui avait déménagé aux États-Unis et s'était distancé des aspirations de son père, devait lui succéder en tant que « roi des sorciers » et diriger le « Conseil des anciens de la sorcellerie », une entité que Sanders prétendait regrouper environ 100 000 membres. En 1998, soit dix ans après sa mort, un coven wiccan de Nouvelle-Angleterre aurait affirmé avoir communiqué avec l'esprit de Sanders. Selon eux, il aurait transmis des messages exhortant l'ensemble des wiccans à renforcer leur dévotion à la Déesse et à cultiver l'unité et la force au sein de la communauté wiccane.
Source : Maxine Sanders
Aujourd'hui, la Wicca Alexandrienne existe toujours mais est retournée dans l'ombre, comme un retour aux sources aux fondements de la magie cérémonielle voulue par Maxine Sanders. Elle est toujours vivante à ce jour.
