Ignorer et passer au contenu
Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

AU SOMMAIRE...

 

1.  Pierres magnétiques et puissance invisible
2. La redécouverte du magnétisme à la Renaissance
3. Mesmer et le « magnétisme animal » au siècle des Lumières
4. Magnétisme, magie et ésotérisme
5. Quel magnétisme aujourd'hui ?


Depuis quasiment la nuit des temps, le magnétisme fascine les hommes comme une force invisible reliant le monde matériel et le monde spirituel. D’abord observé à travers la pierre d’aimant capable d’attirer le fer, ce phénomène a nourri mythes et pratiques sacrées. Des prêtres de l’Antiquité aux guérisseurs de nos campagnes, on a attribué à cette énergie d’étranges pouvoirs, tantôt pour guérir, tantôt pour enchanter. Mais qu'est-il vraiment ? Et d'où vient-il ? Réponses.

1. Pierres magnétiques et puissance invisible

Les premiers témoignages du magnétisme en Occident remontent à l’Antiquité gréco-romaine. Les Grecs avaient découvert en Asie Mineure des pierres particulières – la magnétite – capables d’attirer le fer. Un récit légendaire rapporté par Pline l’Ancien évoque un jeune berger nommé Magnes, dont les sandales cloutées et le bâton de fer furent attirés par un rocher invisible : ainsi aurait-il mis au jour la première pierre d’aimant. Ce “magnes” – du nom de la région de Magnésie – donna son nom au phénomène. Les penseurs antiques y voyaient plus qu’une curiosité minérale. Le philosophe Thalès de Milet, au 6ème siècle av. J.-C., affirmait que l’aimant était doté d’une âme parce qu’il pouvait mouvoir des objets inanimés. Par là, il conférait une dimension vivante et spirituelle à cette pierre qui semblait agir par sa propre volonté.

Cet émerveillement face aux pouvoirs de l’aimant transparaît dans les multiples noms et symboles dont on l’a paré. Les Grecs le surnomment “pierre d’Hercule”, en référence au héros réputé pour sa force, tant ils étaient impressionnés par la vigueur attractive de l’aimant. De fait, toute une mythologie entoure l’aimant : on raconte qu’il existe des îles magnétiques capables d’attirer à elles les navires chargés de fer, ou que des hommes se retrouvaient cloués au sol par leurs chaussures ferrées lorsque le sol était riche en magnétite. Des auteurs sérieux de l’Antiquité, tels Plutarque ou Ptolémée, colportaient aussi d’étranges recettes liées à l’aimant : ainsi, frotter un aimant avec de l’ail était censé lui faire perdre son pouvoir, tandis que le tremper dans du sang de bouc le lui rendait aussitôt. Ces croyances, rapportées des siècles plus tard par des érudits, montrent combien le magnétisme de la pierre a nourri l’imaginaire et les pratiques mystérieuses dès l’Antiquité.

Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

Magnétite

Parallèlement aux légendes, l’aimant s’est vu prêter des vertus bien concrètes, notamment thérapeutiques. Les médecins antiques utilisaient la pierre magnétique pour soulager certains maux. Aristote lui-même mentionne l’effet analgésique et cicatrisant de l’aimant, capable non seulement d’apaiser la douleur mais aussi d’extraire du corps les fragments de fer comme les pointes de flèche des blessures. De même, le dieu guérisseur Asclépios (Esculape) était associé à ces propriétés bienfaisantes de la pierre d’Hercule. En Égypte antique, la magnétite servait d’amulette protectrice, les prêtres la considérant comme un talisman captant les forces bénéfiques et écartant les influences malignes.

Cette double vocation de l’aimant – à la fois magique et curative – s’incarne dans de nombreuses anecdotes historiques. La reine Cléopâtre VII, dernière pharaonne d’Égypte, était réputée pour son intérêt envers les sciences occultes de son temps. La tradition rapporte qu’elle portait sur le front un bijou d’aimant pour préserver sa beauté et éviter les rides, convaincue de la capacité de cette pierre à entretenir la jeunesse de sa peau. Mieux encore, on dit qu’elle dormait sur un lit incrusté de lodestones (pierres d’aimant) afin de baigner son corps dans cette influence magnétique bénéfique. De même, Hippocrate – le père de la médecine grecque – aurait employé la magnétite pour traiter certains troubles, par exemple la stérilité, démontrant que l’idée d’un magnétisme guérisseur était déjà présente chez les savants de l’Antiquité.

Ainsi, dans le monde antique occidental, l’aimant apparaît comme un point de contact entre le visible et l’invisible. Tantôt instrument de mythes (guidant les marins, protégeant des forces occultes), tantôt remède, il symbolise une énergie universelle d’attraction et d’harmonie. Ce que les Grecs pressentaient confusément – une force unique capable d’agir à distance, de soigner le corps et d’influencer l’âme – allait traverser les âges et s’enrichir au fil des traditions ésotériques.

2. La redécouverte du magnétisme à la Renaissance

Après le Moyen Âge, qui a surtout retenu de l’aimant son utilité pour la boussole et la navigation, la Renaissance voit renaître l’intérêt pour le magnétisme comme force occulte. Les penseurs hermétistes et alchimistes du 16ème siècle intègrent l’aimant et son étrange pouvoir dans leur vision du cosmos. Parmi eux, le médecin et philosophe suisse Paracelse (1493-1541) joue un rôle majeur. Convaincu que l’homme est un microcosme reflétant le macrocosme, Paracelse décrit la nature comme parcourue par un fluide universel invisible qui relie les astres, la Terre et les êtres vivants. Il nomme explicitement cette énergie le magnétisme. Selon lui, chaque être humain est imprégné d’un fluide magnétique qui émane du cosmos et circule dans son corps en créant des polarités, à l’image d’un aimant. Le corps humain posséderait ainsi un pôle positif (relié aux influences célestes) et un pôle négatif (ancré dans les éléments terrestres), et la santé résulterait de l’équilibre de ces forces. Paracelse affirme : « L’homme est doté de ce fluide particulier émanant du macrocosme... une énergie que l’on désigne sous le terme de magnétisme ». Il envisage même d’expliquer certains maléfices ou enchantements par cette action magnétique : la volonté d’un sorcier peut influencer à distance le « corps spirituel » d’une victime, comme on aimanterait un objet, provoquant des effets réels sans contact physique. Pour lui, ce lien invisible entre les êtres relève d’une même science naturelle que les médecins ne doivent pas négliger, car connaître le magnétisme, c’est connaître une des clés de la vie.

En ce siècle de la Renaissance, le magnétisme devient ainsi un concept-pont entre la science naissante et l’ancienne magie. Des savants explorent ses manifestations physiques tout en préservant un regard mystique. Le médecin anglais William Gilbert, en 1600, étudie rigoureusement les aimants et propose que la Terre elle-même soit un gigantesque aimant. Mais il va plus loin en spéculant que ce “souffle magnétique” pourrait expliquer les mouvements des planètes mieux que la gravité. Dans son ouvrage De Magnete, Gilbert parle d’« esprits magnétiques » émanant du soleil et des astres, animant le cosmos tel un organisme vivant. Cette conception quasi animiste du magnétisme cosmique suscite des débats passionnés. L’Église, méfiante, craint qu’on ne confonde lois de la nature et âmes païennes. Un érudit jésuite allemand, Athanasius Kircher, publie en 1667 Le Royaume magnétique de la nature pour proposer une vision chrétienne du phénomène. Il y admet l’idée d’un mouvement magnétique dans les cieux, reliant les astres entre eux, mais il refuse d’accorder une « âme magnétique » à la Terre pour préserver l’orthodoxie. Kircher célèbre toutefois le magnétisme comme symbole de l’harmonie universelle : le frontispice de son livre représente une grande chaîne magnétique des êtres tenue d’une main par Dieu dans les nuées et dont l’extrémité inférieure touche la Terre. Les maillons de cette chaîne ne sont pas accrochés les uns aux autres, mais se tiennent par leur seule force d’attraction, illustrant l’idée que la volonté divine magnétise le monde pour en assurer la cohésion. Cette image forte de la « chaîne magnétique » traduit la mentalité de l’époque : le magnétisme est perçu comme la colle secrète de l’univers, le fluide subtil par lequel le Créateur relie chaque chose dans la grande hiérarchie de la Création.

Parallèlement aux spéculations cosmiques, le magnétisme demeure un outil concret de soin et de mystère. Au 17ème siècle, le médecin flamand Jan Baptista van Helmont reprend l’héritage de Paracelse. En 1621, il publie un traité sur la cura magnetica – la « guérison magnétique des blessures » – où il défend l’efficacité de soigner à distance en appliquant un onguent sur l’arme qui a causé la plaie plutôt que sur la plaie elle-même. Ce fameux baume sympathique relève selon lui d’une action magnétique : la blessure et l’arme restent reliées par un fluide invisible. Van Helmont choque l’Inquisition en osant suggérer que même les reliques des saints pourraient guérir non par miracle divin, mais grâce à une influence magnétique naturelle qu’elles exercent sur les fidèles. Ses écrits, entachés de critiques envers les scolastiques jésuites, lui valent d’être poursuivi pendant vingt ans par les tribunaux ecclésiastiques. Cela montre bien que le magnétisme, en tant que force “naturelle” aux effets extraordinaires, bouscule les frontières entre science, foi et magie. Au seuil des Lumières, l’idée qu’un fluide invisible parcoure le monde et le corps humain est à la fois exaltante pour les innovateurs et inquiétante pour les autorités religieuses. Ce fluide magnétique, on commence à le pressentir, pourrait être l’énergie même de la vie, une clé des secrets de la nature – perspective qui ouvre la voie à des découvertes, mais aussi à des controverses.

3. Mesmer et le « magnétisme animal » au siècle des Lumières

Au 18ème siècle, le magnétisme sort des cercles ésotériques pour connaître une véritable vogue mondaine, incarnée par le charismatique Franz-Anton Mesmer. Médecin d’origine viennoise établi à Paris, Mesmer s’appuie sur l’héritage des idées précédentes (les fluides de Paracelse, les expériences de Van Helmont) pour forger sa propre théorie qu’il baptise magnétisme animal (par opposition au magnétisme purement minéral de l’aimant). Selon Mesmer, il existe un fluide magnétique universel imprégnant l’air, les astres et les êtres vivants, et dont les déséquilibres dans le corps humain provoquent les maladies. Le rôle du guérisseur est donc de rétablir la circulation harmonieuse de ce fluide vital dans le corps du patient. Mesmer postule que certains individus – dont lui-même – possèdent un fort pouvoir magnétique naturel et peuvent, par leur seule volonté et l’imposition des mains, diriger ce fluide chez autrui pour guérir.

Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

Franz-Anton Mesmer

Dès les années 1770-1780, Mesmer met en pratique ses idées à Paris et suscite un engouement extraordinaire. Dans de luxueux salons, il organise des séances collectives autour d’un étrange dispositif : le fameux baquet de Mesmer. Il s’agit d’une large cuve circulaire remplie d’eau mêlée de limaille de fer, reliée par des tiges de fer courbées que les patients, assis autour, tiennent ou appliquent sur les parties malades de leur corps. Mesmer prétend “aimanter” ce baquet en y insufflant son fluide personnel, transformant ainsi l’eau et le métal en accumulateurs de magnétisme. Au son d’un verre d’harmonica (instrument de musique produisant des vibrations envoûtantes), le thérapeute se déplace parmi les patients, faisant des passes magnétiques – de grands mouvements des mains à quelques centimètres de leur corps – pour répartir le fluide et dissoudre les blocages énergétiques. Les effets ne tardent pas : beaucoup de patients entrent en crise magnétique, une sorte de transe convulsive accompagnée de sueurs, de rires ou de pleurs cathartiques. Mesmer voit dans ces crises la preuve que le fluide est en train de réaligner les forces vitales et d’expulser les maladies. Les témoignages rapportent des guérisons spectaculaires de paralysies, de cécités hystériques, de douleurs chroniques, attribuées à l’action de ce magnétisme guérisseur.

Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

Le baquet magnétique de Mesmer (gravure, 1780)

Le succès mondain de Mesmer est tel que l’on se presse à ses séances comme à des spectacles. Des personnalités de l’aristocratie et de la haute société participent au rituel du baquet, ravis de vivre une expérience à la frontière du scientifique et du merveilleux. Pour beaucoup, Mesmer a redonné ses lettres de noblesse à une magie naturelle que l’on croyait oubliée. Il parle de son système en termes savants, cherchant à convaincre que ce fluide magnétique n’est au fond qu’une force physique subtile, analogue à l’électricité ou à la gravitation, que la science finira par mesurer. En secret pourtant, toute la ville chuchote sur les allures de mage du docteur, sur son regard perçant et les passes quasi incantatoires de ses mains. Mesmer lui-même, drapé dans sa réussite, semble osciller entre le rôle du médecin éclairé et celui du thaumaturge. Il recommande à ses patients de se mettre dans un état réceptif, presque de foi, pour mieux absorber le fluide – démarche plus proche de la guérison spirituelle que du traitement médical classique.

Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

Le magnétisme animal. Source : SSEDS

Ses élèves et successeurs vont encore approfondir la dimension mystique du magnétisme. En 1784, le Marquis de Puységur, l’un de ses disciples, découvre par hasard qu’en magnétisant un jeune paysan, il peut le plonger dans un état de somnambulisme lucide. Le patient Victor, apparemment endormi, commence à parler, à répondre aux questions et manifeste d’étranges intuitions sur sa propre maladie – comme s’il voyait en lui-même. Ce « sommeil magnétique », sans convulsion, où le sujet agit comme un médium, ouvre de nouvelles perspectives. Puységur et d’autres magnétiseurs explorent ce phénomène de transe qui permettrait d’accéder à l’esprit du malade, voire à des connaissances cachées. Rapidement, on entrevoit que le magnétisme ne sert pas qu’à guérir le corps : il peut également éveiller des facultés psychiques inexpliquées, telles que la clairvoyance ou la lecture de pensée. Le magnétisme animal devient ainsi, dès la fin du 18ème siècle, un pont vers l’étude de l’âme et du paranormal.

Bien sûr, cet essor du magnétisme ne se fait pas sans critique. Les médecins de l’Université et les tenants de la raison triomphante des Lumières voient d’un mauvais œil ces expériences qui mêlent crises théâtrales, mysticisme et absence totale de preuves tangibles. Sous l’ordre du roi Louis XVI, une commission royale (comptant parmi ses membres Benjamin Franklin et Antoine Lavoisier) enquête sur les pratiques de Mesmer. Leur rapport, publié en 1784, conclut que les effets observés sont réels mais qu’ils sont dus à l’imagination et à la force de la suggestion, plus qu’à un fluide inédit. Mesmer, piqué au vif, quitte la France peu après. Peu importe : le magnétisme animal s’est enraciné dans la culture populaire et savante, et une pléiade de magnétiseurs continuent son œuvre à travers l’Europe. En France, au tournant du 19ème siècle, des adeptes comme le baron Du Potet, le docteur Deleuze ou l’abbé Faria perpétuent et transforment l’héritage mesmerien. Le fluide magnétique entre dans la littérature médicale et occulte, tantôt pour vanter ses prodiges, tantôt pour le tourner en dérision. Quoi qu’il en soit, il devient impossible d’ignorer cette force étrange qui déchaîne les passions et semble défier les explications classiques.

4. Magnétisme, magie et ésotérisme

Le 19ème siècle en France est une époque charnière où le magnétisme est à la croisée des chemins entre la science naissante de la psyché, la médecine non conventionnelle et la tradition magique. Alors que les premiers hypnotiseurs (James Braid rebaptisera la pratique “hypnose” vers 1843) cherchent à donner une explication rationnelle au sommeil magnétique, un puissant courant ésotérique s’empare du magnétisme et l’intègre dans une vision plus large de l’occultisme. C’est le temps où le magnétisme flirte ouvertement avec la spiritualité : on ne parle plus seulement de guérir les corps, mais aussi d’initier les âmes et d’explorer les mondes invisibles.

Qu'est-ce que le magnétisme, exactement ?

Ouvrage Dogme et Rituel de la Haute Magie, Éliphas Lévi

En 1853, un ésotériste français, Éliphas Lévi, publie son ouvrage Dogme et Rituel de la Haute Magie. Initié aux idées magnétiques, Lévi identifie le fluide magnétique de Mesmer à la « Lumière astrale », cette énergie occulte omniprésente qu’il considère comme le grand agent magique universel. Selon lui, la lumière astrale est un éther subtil qui emmagasine toutes les images, toutes les influences, et par lequel s’exercent aussi bien la magie cérémonielle que les phénomènes de magnétisme. Il écrit de façon imagée : « Le monde est magnétisé par la lumière du soleil, et nous sommes magnétisés par la lumière astrale du monde. ... Nous avons en nous trois centres d’attraction fluidique, le cerveau, le cœur et l’organe génital... c’est par ces organes que nous communiquons avec le fluide universel transmis en nous par le système nerveux ». On le voit, le discours de Lévi amalgame le vocabulaire du magnétisme et celui de la magie kabbalistique. Sous sa plume, le magnétisme n’est rien de moins qu’une force cosmique primordiale que le mage peut capter et diriger par sa volonté, pour produire ce qu’on appelait jadis des miracles. D’autres occultistes, tel Baron du Potet (qui dirigea la Revue du Magnétisme), ou plus tard Papus, prolongent cette idée en faisant du magnétisme la pierre angulaire d’une « science sacrée » recouvrée. Le magnétisme devient dès lors un outil initiatique : il s’agit non seulement de guérir, mais d’élever le magnétisé vers des plans supérieurs de conscience.

Cette assimilation du magnétisme à l’antique magie ne plaît guère à tout le monde. Les institutions religieuses, notamment l’Église catholique, s’en alarment. Des auteurs catholiques du 19ème siècle écrivent de virulents pamphlets contre le magnétisme et le spiritisme naissant. Pour un apologiste comme Roger Gougenot des Mousseaux, le fluide magnétique n’est qu’un nouvel avatar de l’occulte : « Le magnétisme, c’est la forme moderne de la magie. Cause immédiate des tables tournantes comme des phénomènes médiumniques, il permet au magnétisé d’acquérir des pouvoirs extraordinaires », s’indigne-t-il, concluant que de tels pouvoirs supposent forcément l’intervention du démon. Ce point de vue extrême – voyant dans chaque magnétiseur un sorcier qui s’ignore – illustre la persistance de la peur du magnétisme. Il est vrai que certaines démonstrations de l’époque brouillent la frontière entre science et surnaturel. Par exemple, lors de séances de tables tournantes (précurseurs du spiritisme vers 1850), beaucoup constatent que la présence d’un médium magnétisé facilite grandement les mouvements inexpliqués et les communications d’outre-tombe. On parlera même de « force odique » ou « fluide psychique » pour décrire cette énergie déroutante produite par les magnétiseurs et les médiums. Aux yeux des croyants, cette force peut tout aussi bien être un don divin (si on y voit un moyen de soulager et d’éclairer l’âme) qu’une tentation diabolique (si on craint qu’elle ne serve à invoquer des esprits malsains). Quoi qu’il en soit, le magnétisme s’est installé durablement dans le paysage culturel : il est étudié par des médecins curieux, pratiqué par des guérisseurs à la mode, invoqué par des spirites, et combattu par les moralistes – signe qu’il est devenu un véritable phénomène de société.

À la fin du 19ème siècle, certains cherchent à concilier le magnétisme avec la science en le dépouillant de son aura surnaturelle. En France, des figures comme Hector Durville et sa famille fondent des écoles de magnétisme. Ils proposent une approche “expérimentale et thérapeutique” du magnétisme, tentant de l’intégrer comme auxiliaire de la médecine officielle, sans recourir aux explications spirites. Cependant, même Durville finit par reconnaître qu’il existe un « magnétisme transcendantal » dépassant le simple cadre physique : un aspect occulte du fluide magnétique qui touche à « la vie supérieure, l’infini immuable », relevant d’une science sacrée plus que de la science matérielle. Malgré tous les efforts pour "rationaliser" le magnétisme, son mystère persiste. Cette force demeure insaisissable : tantôt on la mesure en mesmérismes, en passes, en dynes peut-être, tantôt on y voit l’étoffe même des rêves et de l’âme du monde.

5. Quel magnétisme aujourd'hui ?

Le magnétisme, en tant que pratique, a survécu à toutes les fluctuations de mode et aux critiques pour s’ancrer durablement dans les traditions populaires occidentales. En France notamment, il fait partie du paysage des soins traditionnels jusqu’à nos jours. Dans nos campagnes, la figure du magnétiseur-guérisseur reste familière et respectée. Depuis le 19ème siècle et bien avant, des personnes douées du « don » se consacrent à soulager leurs prochains par l’imposition des mains, la prière et la transmission du fluide vital. On les appelle selon les régions toucheurs, guérisseurs, ou encore spécialisés comme barreurs de feu (ceux qui calment instantanément les brûlures). Ces praticiens, plutôt discrets, incarnent l’héritage direct du magnétisme animal de Mesmer enrichi des influences locales. Ils ne parlent pas toujours de « magnétisme » explicitement, mais évoquent volontiers une énergie universelle ou une force divine qui traverse leurs mains.

Encore aujourd’hui, il n’est pas rare de rencontrer, au détour d’un village breton ou d’une bourgade du Massif Central, un magnétiseur vers qui l’on se tourne quand la médecine classique est impuissante ou trop longue. Des milliers de Français ont recours à eux pour faire couper le feu d’une radiothérapie, apaiser un zona, calmer des douleurs rebelles ou rééquilibrer les nerfs. Loin d’être relégué au rang de superstition, le magnétisme continue d’être pratiqué avec ferveur et humilité. Il s’adapte aux besoins modernes tout en gardant son essence spirituelle. On retrouve des praticiens aux quatre coins du pays, chacun avec sa sensibilité : ici on soulagera les brûlures, là on remettra en place « le magnétisme des articulations », ailleurs on purifiera les « fluides » d’une personne dépressive. Cette diversité témoigne de la richesse d’une tradition qui a su traverser les siècles. Surtout, le succès continu de ces pratiques prouve que, pour nombre de nos contemporains, il existe quelque chose de plus que la matière palpable : un principe énergétique invisible, dont le magnétisme est l’une des expressions, sur lequel on peut agir pour retrouver l’harmonie.

Il est remarquable de constater que la confiance du public envers ces magnétiseurs demeure forte. Bien souvent, ils travaillent de concert ou en complément des médecins : on va « voir le rebouteux » pour un mal de dos, tout en suivant son traitement médical, ou on demande au barreur de feu d’intervenir sur une brûlure pendant qu’on attend les soins d’urgence. Cette cohabitation pragmatique entre la médecine scientifique et la guérison magnétique illustre une sagesse populaire : pourquoi se priver d’une aide, fût-elle inexplicable, si elle apporte du soulagement ? Finalement, pour beaucoup, le magnétisme n’est pas tant une croyance qu’une expérience vécue – celle de la chaleur bienfaisante d’une main sur un front fiévreux, de la douleur qui s’estompe sans qu’on sache comment, du sommeil retrouvé après une passe magnétique.

En ce début de 21ème siècle, le magnétisme s’intègre également à de nouvelles formes de spiritualité et de bien-être. Des passerelles sont jetées entre la tradition occidentale du magnétiseur et les pratiques orientales comme le Reiki (qui repose lui aussi sur la transmission d’une énergie universelle par imposition des mains). Le langage change, on parle de “énergie bio-magnétique”, de chakras et d’aura – termes empruntés à l’Inde ou à l’ésotérisme contemporain – mais le fond reste le même. Il s’agit d’ouvrir les canaux de l’énergie vitale et de rétablir l’équilibre du corps et de l’esprit. Nombre de magnétiseurs modernes expliquent leur don de manière pédagogique : tout être vivant est parcouru d’un courant subtil, comparable à un réseau électrique, qu’il convient de rééquilibrer en cas de “court-circuit” ou de blocage. Ces analogies visent à rendre le magnétisme compréhensible à l’homme d’aujourd’hui, sans pour autant le désenchanter. Car la dimension spirituelle n’est jamais loin : beaucoup de praticiens invoquent une énergie d’amour, une grâce qui les traverse. Le magnétisme conserve ainsi un caractère sacré ou divin – on parle d’un don du Ciel – même si on le présente avec des mots modernes.

Ainsi, le magnétisme en tant que force spirituelle et magique a accompagné l’Occident à travers les âges, se métamorphosant sans cesse mais ne disparaissant jamais. Son rôle symbolique est puissant : il représente l’attraction universelle, la correspondance mystérieuse entre toutes choses, le fluide de vie qui unit l’âme et le corps, l’homme et la nature. Et aujourd’hui encore, lorsque les mains d’un magnétiseur soulagent une douleur ou apaisent un esprit, c’est un peu de cette sagesse qui revit : celle qui affirme que l’invisible fait partie du réel, et que le magnétisme est une voie pour toucher du doigt le mystère de la vie.


Sources :

  • De l'influence des astres sur les corps vivants, Franz Anton Mesmer, 1776

  • Memoir on Animal Magnetism, Marquis de Puységur, 1784

  • Magnetism and Mesmerism in the Enlightenment, Journal of the History of Ideas, 2015

  • The Discovery of the Unconscious, Henri F. Ellenberger, Basic Books, 1970

  • La Doctrine du Magnétisme Animal, Charles Lafontaine, 1851

  • From Mesmer to Freud: Magnetic Sleep and the Roots of Psychological Healing, Adam Crabtree, Yale University Press, 1993

  • Archives médicales sur le magnétisme, Paris, XIXᵉ siècle

  • Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, sections sur le mesmérisme et le magnétisme animal

Olivier d'Aeternum
Par Olivier d'Aeternum

Pagan encore en formation, je tâche de vous faire découvrir la richesse des pratiques, rituels, sabbats, esbats, déités et bien d'autres en les "vulgarisant" car je sais que ce n'est pas facile de bien faire ou même de savoir faire. J'espère que mes articles vous aideront à vous connecter encore mieux au monde spirituel. Je vous parle de la Wicca bien sûr, mais j'aborde aussi toutes les spiritualités comme les types de magies, le Vaudou, les magies religieuses et plus encore. Bon voyage !

Laissez un commentaire 💬

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Rejoignez la communauté Aeternum sur notre groupe Facebook : conseils, astuces, rituels, savoirs, produits dans une ambiance bienveillante !
J'y vais !
Panier 0

Votre panier est prêt à recevoir vos merveilles ✨

Découvrez nos produits